Méningite

PROTOCOLES

Voir aussi

Généralités

  • La méningite est l’inflammation des méninges, les tissus qui entourent le cerveau et la moelle épinière, et du liquide céphalo-rachidien (LCR). Lorsqu’elle s’accompagne aussi d’une inflammation du cerveau, on parle alors de méningo-encéphalite.
  • Deux principaux types de méningite :

Méningite bactérienne dont il est question ici

Méningite aseptique avec culture bactérienne négative ; la plus fréquente est d’origine virale

  • La méningite bactérienne est une urgence médicale.
    • Sans traitement, elle est mortelle dans la majorité des cas.
    • Même lorsqu’un traitement optimal est amorcé, on rapporte un taux de mortalité jusqu’à 30% chez les nouveau-nés et de 5% chez l’enfant plus âgé, selon le germe responsable.
    • Le taux de séquelles permanentes varie de 5 à 50%, incluant la surdité (30% des patients avec méningite à pneumocoque), les troubles d’apprentissage et l’épilepsie.
Une prise en charge précoce est primordiale et s’associe à un meilleur pronostic.

ÉVALUATION

Diagnostic différentiel

Raideur de nuque/torticolis +/- céphalée :
  • Méningite virale : raideur de nuque et fièvre, atteinte état de conscience (AEC) possible
  • Infection ORL : adénite cervicale, abcès para-amygdalien, abcès rétro-pharyngé :
    • Adénite ou abcès para-amygdalien à l’examen, torticolis associé
    • Habituellement, donnent davantage une limitation de l’extension du cou plutôt que de la flexion
  • Pneumonie des lobes supérieurs
  • Infection musculo-squelettique : discite, ostéomyélite de la colonne cervicale, fasciite du sterno-cléido-mastoïdien
  • Trauma de la colonne : selon histoire, pas de fièvre
  • Méningite tuberculeuse : histoire d’un contact avec une personne atteinte de tuberculose pulmonaire, originaire ou voyage longue durée dans un pays endémique pour la TB

 

Altération de l’état général ou AEC +/- céphalée :
  • Hypoglycémie : histoire d’apports diminués
  • Choc : tachycardie, mauvaise perfusion, +/- hypotension
  • Convulsion ou état post-ictal : histoire de mouvements anormaux, antécédent d’épilepsie
  • Tumeur cérébrale : histoire de céphalée plus chronique, habituellement pas de fièvre ou fièvre légère
  • Intoxication : présentation très aigüe, histoire d’intoxication, parfois présence d’un toxidrome
  • Trauma cranio-cérébral : histoire de trauma crânien ou possibilité d’enfant secoué, pas de fièvre
  • Maladie métabolique congénitale (acidose lactique, hyperammoniémie)
  • Encéphalite auto-immune : pas de raideur de nuque, souvent sensorium plus affecté que dans la méningite bactérienne, possibles signes de dysautonomie
  • Accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique ou hémorragique : déficit neurologique focalisé possible selon la localisation, pas de fièvre
  • Thrombose veineuse cérébrale : habituellement pas de fièvre, sauf s’il s’agit d’une complication d’une méningite bactérienne

Histoire

  • Symptômes variables en fonction de l’âge :
    • Enfant, adolescent : fièvre, atteinte état général, céphalée, nuqualgie, nausée/vomissements, photophobie
      • Peut aussi avoir : diplopie, convulsions, anorexie, irritabilité, dorsalgie, confusion
    • Nourrisson : atteinte état général, irritabilité, diminution des boires ou vomissements, fièvre ou hypothermie, bombement de la fontanelle
      • Peut aussi avoir : convulsions, détresse respiratoire, apnées
  • Facteurs prédisposants à la méningite bactérienne :
    • Âge < 6 mois
    • Déficit immunitaire (notamment déficit en complément, asplénie, anémie falciforme, prise de corticostéroïdes/chimiothérapie, VIH, post-greffe)
    • Dérivation ventriculaire péritonéale, implant cochléaire
    • Fracture de la base du crâne, trauma pénétrant au niveau du crâne
    • Sinus dermique
  • Histoire vaccinale (pneumocoque conjugué, méningocoque et Haemophilus de type B)
  • Infection récente : une infection des voies respiratoires supérieures (IVRS) précède souvent la méningite bactérienne
  • Contact avec un patient atteint de méningite, début à la garderie dans les 2 mois précédant
  • Voyage en Afrique sub-saharienne ou originaire/voyage dans un pays endémique pour la tuberculose
  • Allergies aux antibiotiques
  • Prise récente d’antibiotiques

Examen physique ciblé

  • Apparence générale, état de conscience : Échelle GCS enfant, Échelle GCS nourrisson
  • Signes vitaux complets, penser à :
    • Choc si tachycardie avec ou sans hypotension artérielle
    • Hypertension intracrânienne (HTIC) si bradycardie et hypertension artérielle (HTA)
    • Mesure du périmètre crânien chez les enfants < 18 mois
  • Examen neurologique : Fundi, examen moteur, sensitif, réflexes ostéo-tendineux, bombement de la fontanelle chez le bébé avec tête à 45 degrés, nuque, Kernig/Burdzinsky
    • Aucun des signes ci-haut nommés n’est pathognomonique pour la méningite
    • La raideur de nuque peut apparaître tardivement et être absente jusqu’à l’âge d’un an
    • Le signe de Kernig est positif lorsqu’il y a douleur ou résistance lors de l’extension passive du genou à >90 degrés lorsque le patient est placé en décubitus dorsal avec une hanche et un genou à 90 degrés (ou que le genou opposé se fléchit lors de la manœuvre)
    • Le signe de Brudzinski est positif s’il y a flexion des membres inférieurs lors de la flexion passive du cou alors que le patient est en décubitus dorsal
  • Examen cutané à la recherche de pétéchies/purpura prédominant aux extrémités (une éruption maculo-papulaire peut précéder les pétéchies)
  • Examen des foyers possibles d’infection : OMA, sinusite, arthrite, cellulite, pneumonie

Investigations

Bilans sanguins et infectieux 

  • FSC, électrolytes, créatinine, glycémie, CRP, hémoculture (à HSJ: si possible 5 mL, 1 mois-2 ans : min 2-3 mL, ≥ 2ans : 4 mL), coagulogramme surtout si pétéchies/purpura
    • FSC : anémie normocytaire, leucocytose possible
    • Ionogramme : faire q 6-12 h x 48 h afin de détecter une hyponatrémie (SIADH possible)
    • Hémocultures positives chez plus de la moitié des patients avec méningite bactérienne
  • Analyse et culture d’urine si nourrisson ou enfant symptomatique
  • Ponction lombaire Voir guide clinique Ponction lombaire
  • Interprétation de la PL, décompte cellulaire et biochimie:

  • Coloration de Gram de la PL:
    • Peut suggérer l’étiologie d’une méningite et servir à élargir le spectre d’antibiothérapie mais ATTENDRE LA CULTURE avant de le réduire.
    • Germes selon coloration de Gram :
      • Diplocoque Gram+: Streptococcus pneumoniae (pneumocoque)
      • Diplocoque Gram- : Neisseria meningitidis (méningocoque)
      • Coccobacille Gram- : Haemophilus influenzae
      • Cocci Gram+ : Streptococcus agalactiae (streptocoque du groupe B)
      • Bacille Gram+ : Listeria monocytogenes
      • Bacille Gram- : E coli, Klebsiella spp
    • Une prise récente d’antibiotique (surtout IV) peut rapidement négativer une culture, dans quel cas les PCR bactériens peuvent être utilisés afin d’identifier le germe causal sur l’avis de l’infectiologue de garde.
  • Culture LCR de la PL
    • La vaccination universelle contre l’Haemophilus influenzae, le pneumocoque (vaccin conjugué) et le méningocoque (de type C) a modifié l’épidémiologie des méningites bactériennes au Canada.
    • Chez le nouveau-né, les germes les plus fréquents sont :
      • Streptocoque du groupe B
      • E coli, autres BGN
      • Listeria monocytogenes rare en Amérique du Nord
    • Chez l’enfant de > 4-6 semaines, les germes les plus fréquents sont :
      • Pneumocoque
      • Méningocoque
      • Haemophilus influenzae

Imagerie

  • CT-scan cérébral C- et C+

Ne pas retarder l’administration d’antibiotiques si besoin d’un CT-scan

    • Il est recommandé de réaliser un CT-scan cérébral avant la PL si :
      • suspicion d’HTIC (somnolence, diplopie, papilloedème, triade de Cushing),
      • altération de l’état de conscience,
      • déficit neurologique focal,
      • convulsion focale,
      • post-ictal immédiat (moins de 30 minutes) ou non-retour à état de conscience normal,
      • traumatisme crânien récent,
      • patient immunosupprimé ou
      • ATCD de malformation congénitale ex. Chiari

NB. : Un scan normal n’exclut pas une HTIC (une herniation peut avoir lieu en présence d’un CT normal)

DONC devant des signes cliniques suggestifs d’HTIC, traiter d’emblée et envisager d’attendre 24-48h avant d’effectuer la PL

PRISE EN CHARGE

Traitement

ALGORITHME PRISE EN CHARGE

PRINCIPES RÉGISSANT LE TRAITEMENT

  • Les antibiotiques choisis doivent bien pénétrer la barrière hémato-encéphalique et ils doivent être bactéricides contre les bactéries susceptibles de causer une méningite bactérienne selon le groupe d’âge.
  • Au Canada, 98,3% des souches de pneumocoque sont sensibles aux céphalosporines de 3e génération, ce qui fait de la céfotaxime (ou ceftriaxone) l’antibiotique #1 pour les méningites bactériennes. La céphalosporine de 3e génération doit être débutée avant les autres antibiotiques (ex : vancomycine ou ampicilline).
  • En plus du traitement antibiotique, il importe de monitorer et de traiter les complications aigües pouvant survenir : choc, acidose, hypoglycémie, anémie, coagulopathie, SIADH, coma, convulsions (Voir Convulsion- Épilepsie, status épilepticus), HTIC, abcès/empyème/hydrocéphalie, engagement, thromboses vasculaires intracrâniennes

ANTIBIOTHÉRAPIE EMPIRIQUE AD RÉSULTAT CULTURE LCR

Antibiothérapie empirique chez l’enfant à terme de < 6 semaines de vie (posologies à ajuster si prématurité)

  • Ampicilline
    • ≤7 jours de vie : 100 mg/kg/dose IV q 8h
    • >7 jours et ≤ 6 semaines : 75 mg/kg/dose IV q 6h
+
  • Céfotaxime (ne pas donner de Ceftriaxone = risque d’hyperbilirubinemie)
    • ≤7 jours de vie : 50 mg/kg/dose IV q 12h
    • >7 jours et ≤ 6 semaines : 75 mg/kg/dose IV q 6h
+/-
  •  Tobramycine si forte suspicion de méningite à E coli/Listeria/Strepto B ad sensibilité/stérilisation du LCR
    • ≤7 jours de vie : 3 mg/kg/dose IV q 18h
    • >7 et ≤30 jours de vie : 3 mg/kg/dose IV q 12h
    • >30 jours de vie : 2.5 mg/kg/dose IV q 8h

Antibiothérapie empirique chez l’enfant de 6 semaines à 18 ans

  • Céfotaxime
    • 75 mg/kg/dose IV q 6h (max 2g/dose)

OU

  • Ceftriaxone
    • 50 mg/kg/dose IV q 12h (max 2g/dose ou 4g/j)
+
  • Vancomycine
    • 15 mg/kg/dose IV q 6h (max 1g/dose)
+/-
  • Ampicilline SI patient immunosupprimé
    • 75 mg/kg/dose IV q 6h (max 2g/dose)

ANTIVIRAUX

  • À administrer si suspicion de méningite virale chez:
    • Patient âgé de < 1 mois
    • Signes muco-cutanés d’infection herpétique (vésicules)
    • État septique grave
  • À considérer si :
    • Patient âgé de 4-6 semaines
    • Convulsions
    • Coagulopathie
    • Transaminases à plus de 2-3 fois la normale
    • Histoire maternelle d’HSV génital entourant la naissance ou autre contact
  • Acyclovir :
    • Nouveau-né, < 1 an: 20mg/kg/dose IV q 8h 
    • Si > 1 an : 500 mg/m2/dose IV q 8h
    • NB. : si un traitement d’Acyclovir est débuté, un niveau d’hydratation adéquat devrait être maintenu

CORTICOSTÉROÏDES

Ce traitement est controversé sauf dans le cas de la méningite à Hib, auquel cas les stéroïdes semblent réduire la perte auditive. Certains experts recommandent la dexaméthasone  dans tous les cas de méningite bactérienne (en l’absence de contre-indications), quelques soit l’âge de l’enfant (particulièrement chez les plus de 6 semaines) ou le germe impliqué, à l’exception de la méningite tuberculeuse, pour laquelle la dexaméthasone est contre-indiquée.

  • Dexaméthasone
    • 0.15 mg/kg/dose IV q6h pour 2-4 jours, qui doit être débutée avant ou dans l’heure suivant l’administration des ATB

CHIMIOPROPHYLAXIE POUR CONTACTS

Méningite à méningocoque:

Méningite à Haemophilus du groupe B:

  • Une chimioprophylaxie est requise dans certaines situations (ex. famille avec un enfant dont la vaccination Hib n’est pas complète). Voir site du MSSS: infection invasive à HIB

Méningite à pneumocoque:

  • Une chimioprophylaxie n’est pas requise

Quand référer

Idéalement, tout patient avec méningite bactérienne devrait être transféré en centre tertiaire pour son traitement et suivi.

Transfert vers un centre tertiaire

En préparation pour un transfert vers un centre tertiaire, il importe de :

  • Stabiliser le patient
  • Amorcer les investigations : au minimum le bilan sanguin incluant des hémocultures, la ponction lombaire si le patient est stable et qu’il ne présente pas de contre-indication
  • Débuter le traitement antibiotique intraveineux
  • Préparer le matériel nécessaire au transfert, qui devra s’effectuer avec un médecin à bord :
    • Au niveau ventilatoire : matériel pour ventiler et intuber, médicaments d’intubation
    • Au niveau circulatoire : sacs de NaCl 0.9%, agent vasoactif
    • Au niveau neurologique : NaCl 3%/Mannitol, anticonvulsivants, sédation si patient intubé (se référer au guide clinique HTIC si suspicion d’HTIC)
À discuter pré-transfert

Numéro centrale téléphonique CCAR: 514-345-4919

 

S Mousseau (urgence), E D.Trottier (urgence), M-E Métras (pharmacie), D Blais (maladies infectieuses), C Renaud (microbio), E Vallière (microbio), N Kleiber (pédiatrie), G Pettersen (soins intensifs), A Lortie (neurologie) et M Lebel (maladies infectieuses)

En ligne Décembre 2018