Naloxone IN et crise des opioïdes-Accès aux jeunes

Généralités

Contexte épidémiologique de la crise des opioïdes

De plus en plus de gens se mettent à risque de surdose en consommant des opioïdes hors prescription, généralement procurés de manière illicite, ou en consommant d’autres substances illicites dans lesquelles se retrouvent des opioïdes. Hors contexte médical, l’utilisation d’opioïdes de synthèse avec un niveau élevé de toxicité, tel que le fentanyl, de façon volontaire ou involontaire, contribue à l’augmentation des risques liés à l’utilisation de ce type de substance.

Ainsi, des données montréalaises de 2020 suggèrent que plus de 90% des personnes consommant du fentanyl hors prescription le font sans le désirer ou à leur insu . À l’échelle de la province, on estime que 1% des stimulants est contaminé par du fentanyl. (Voir rapport 2020 du Centre Canadien sur les dépendances et usages de substances)

Les décès par intoxication aux opioïdes sont en augmentation constante au Canada, incluant dans la population pédiatrique. Alors qu’un seul décès avait été recensé chez les Québécois de moins de 20 ans en 2018, 7 décès par intoxication aux opioïdes sont survenus en 2021. Voir aussi: Méfaits associés aux opioïdes et aux stimulants au Canada- données 2016-2024.

Naloxone

La naloxone (Narcan®) est un antagoniste des récepteurs opioïdes qui renverse temporairement l’effet des opioïdes en se liant aux mêmes récepteurs. La naloxone peut être administrée par voie intramusculaire, sous-cutanée, intraveineuse ou intranasale .

La naloxone en intranasal :

  • La dose intranasale est de 4 mg.
  • L’effet s’observe 2-3 minutes après son administration.
  • Sa durée d’action varie entre 20 et 90 minutes.
  • Une toxicité rebond aux opioïdes est possible après cette durée. En cas de toxicité rebond ou de surdose sévère, il se peut qu’une ou plusieurs dose(s) supplémentaire(s) de naloxone soi(en)t nécessaire(s).

Au Canada, la naloxone est un médicament sans ordonnance, disponible en pharmacie. De plus, depuis octobre 2019, le Ministère de la Santé et des Services sociaux encourage les pharmacies d’établissements de santé à procéder à la remise de trousses de naloxone aux patients utilisateurs de substances qui sont vus à l’urgence. Cette proposition a été adoptée dans le cadre de la Stratégie nationale 2018-2020 pour prévenir les surdoses d’opioïdes et y répondre, et s’inscrit actuellement dans la Stratégie nationale 2022-2025 de prévention des surdoses de substances psychoactives.

La naloxone peut être administrée par toute personne qui est témoin d’une intoxication aux opioïdes, et ce, peu importe le milieu et n’a aucun effet pharmacologique lorsqu’elle est administrée chez une personne n’ayant pas consommé d’opioïdes.

L’administration de naloxone peut précipiter des symptômes de sevrage d’opioïdes. Un sevrage peut se manifester par des pupilles en mydriase, de la diaphorèse profuse, de la tachycardie, des tremblements, des symptômes gastro-intestinaux (crampes abdominales, nausées, vomissements, diarrhées), des douleurs musculaires ou articulaires et un sentiment d’anxiété ou d’irritabilité .

Réduction des méfaits lors de consommation de drogue

La possession de naloxone lors d’épisodes de consommation de drogue est une mesure de réduction des méfaits efficace.
  • Il s’agit d’un traitement sécuritaire qui peut sauver la vie d’une personne en situation d’intoxication aux opioïdes.
  • Le taux de mortalité par intoxication aux opioïdes peut être significativement réduit en améliorant l’accès aux trousses de naloxone.

L’approche de réduction des méfaits liés à la consommation sous-tend également un large éventail de recommandations incluant:

  • Éviter de consommer seul
  • En groupe, ne pas consommer tous en même temps
  • Aviser le groupe des substances consommées
  • Éviter la consommation de plus d’une substance à la fois
  • Éviter la co-ingestion de substances qui sont des dépresseurs du SNC (ex.: anxiolytiques, somnifères, ROH, GHB)
  • Utilisation de matériel de consommation stérile dans des centres d’injection supervisée

Évaluation

Les personnes qui utilisent des substances sont confrontées à de nombreuses barrières qui limitent leur accès à des soins appropriés et de qualité. La stigmatisation dont fait l’objet cette population vulnérable peut décourager certains jeunes individus à se procurer de l’aide au moment d’une intoxication. Les consultations à l’urgence mènent souvent au premier point de contact avec le système de santé et peuvent donc avoir un impact significatif sur la trajectoire de soins de ces jeunes. Leur passage à l’urgence ou à la clinique peut permettre de dépister la consommation à risque et discuter des mesures de réduction des méfaits mentionnées ci-haut.

Lorsqu’un patient adolescent se présente à l’urgence ou à la clinique, il est recommandé de procéder à un questionnaire psychosocial incluant des questions au sujet de la consommation de substances psychoactives. Aborder la consommation avec un adolescent peut être une tâche ardue étant donné l’évolution constante et rapide du portrait de consommation des jeunes.

Les thèmes suivants peuvent être explorés:

  • La nature des substances psychoactives consommées (mésusage de médicaments d’ordonnance, substances illicites)
  • Les formes sous lesquelles les substances sont consommées, que ce soit de façon inhalée (fumée, vapotée), ingérée (produits comestibles), intranasale, injectée, etc.
  • La fréquence de la consommation et l’heure à laquelle les substances sont consommées (au réveil, en matinée, uniquement en soirée, etc.)
  • L’intensité de la consommation (la quantité consommée et l’argent dépensé)
  • Si l’adolescent consomme parfois seul
  • La prise de risques en état de consommation (conduite d’une voiture, d’une moto, motoneige, VTT ou d’un vélo, relations sexuelles non-protégées ou sous l’effet de substances psychoactives, etc.)
  • Les raisons de consommation évoquées (cohésion sociale, pression des pairs, automédication, relaxation, aide au sommeil, expérimentation, plaisir, etc.)
  • La notion de gestes criminels ou actes de délinquance en état de consommation dans le passé (vol, vandalisme, bagarres, etc.)

 

Prise en charge

Enseigner la reconnaissance d’une intoxication aux opioïdes

Dans un premier temps, il est important d’informer l’adolescent des symptômes d’intoxication volontaire et involontaire aux opioïdes pour  lui permettre de reconnaître une surdose et l’indication d’utiliser la naloxone.

Les principaux signes d’intoxication aux opioïdes sont
  • Une altération de l’état de conscience (Mentionner aux jeunes que pour vérifier l’état de conscience, on peut crier le nom de la personne, lui poser des questions, frotter fermement son sternum, appuyer à la base de l’ongle d’un de ses doigts.)
  • Une dépression respiratoire
  • Un myosis
  • Une peau froide, moite, marbrée ou une cyanose
  • Dans de rares cas, le fentanyl peut causer une rigidité musculaire, de la dyskinésie, des convulsions, des arythmies (plus souvent une bradycardie) et des vomissements.

Certaines autres conditions cliniques peuvent s’apparenter aux symptômes d’une intoxication aux opioïdes. L’administration de la naloxone est recommandée dans ces situations.

Conditions cliniques pouvant s’apparenter à une intoxication aux opioïdes
  • Intoxications à une substance sédative non-opioïde (alcool, GHB, anxiolytique, monoxyde de carbone)
  • Traumatisme crânio-cérébral
  • Infection (sepsis ou infection aiguë du système nerveux central)
  • Hémorragie intracrânienne
  • Hypoglycémie
  • Désordres électrolytiques
  • Infarctus du myocarde

Offrir des trousses de naloxone

  • Les trousses de naloxone devraient être proposées à tout patient qui consomme des substances psychoactives (ex. drogues de rues, médicaments utilisés de façon non prescrite [ex. opioïdes, sédatifs, stimulants]).
  • La remise de trousses de naloxone peut aussi être considérée chez les adolescents qui consomment de l’alcool, de la nicotine ou du cannabis, surtout s’ils sont en contact avec des individus pouvant consommer des substances psychoactives illicites .
Lors de la remise, les patients doivent être informés de 
  • L’indication
  • La méthode d’administration de la naloxone intranasale
  • L’importance d’appeler le 911 le plus rapidement possible
  • La possibilité de répéter une dose de naloxone intranasale en absence de réponse à la dose initiale
  • La Loi sur les bons samaritains secourant les victimes de surdose.
Dans une situation où une personne est victime d’une surdose à la suite de consommation de substances, une personne qui lui vient en aide et demande l’intervention urgente d’un policier ou un professionnel de la santé « ne peut pas être accusée de possession de substances désignées ou d’une infraction en lien avec la violation de certaines conditions ou ordonnances » (Loi sur les bons samaritains secourant les victimes de surdose, L.C. 2017, ch. 4). En situation d’urgence, l’adolescent peut donc recourir à de l’aide sans craindre les répercussions judiciaires de sa consommation.

Le soignant doit expliquer à l’adolescent que la naloxone est un médicament sécuritaire qui doit être utilisé lorsqu’une intoxication aux opioïdes est suspectée selon les symptômes nommés ci-haut. L’adolescent qui possède une trousse de naloxone doit s’attendre à utiliser la naloxone sur autrui, et non sur soi-même.

Administration

Les trousses de naloxone contiennent généralement deux doses de 4 mg de naloxone par vaporisateur nasal.
  • La naloxone intranasale s’administre sans tester le dispositif au préalable, en inclinant la tête de la victime vers l’arrière, en insérant le dispositif dans la narine et en appuyant fermement sur le pulvérisateur avec son pouce.
  • En présence d’une intoxication nécessitant l’administration de la naloxone, le 911 devrait être contacté rapidement afin d’obtenir de l’assistance et des directives en attendant l’arrivée des premiers répondants et des ambulanciers.
  • En l’absence d’éveil dans les trois minutes suivant la première dose de naloxone, si l’on dispose de plusieurs vaporisateurs de naloxone, il faut continuer à administrer des doses supplémentaires toutes les 3 minutes en alternant de narine jusqu’à l’arrivée des secours.

Aborder les habitudes de consommation

Au-delà du dépistage des habitudes de consommation, il est important d’offrir aux adolescents qui consomment un accès aux ressources leur permettant d’obtenir le soutien nécessaire afin de réduire ou de cesser la consommation (voir section « Liste de ressources communautaires » plus bas). Il est également important de communiquer aux patients certaines recommandations ayant pour but de réduire le risque de surdose fatale aux opiacés (voir section « Réduction des méfaits » ci-haut).

Signalement à la Direction de la protection de la jeunesse

Dans les circonstances où la consommation d’un patient pose un risque sérieux à sa santé, sa sécurité ou son développement, l’implication de la DPJ peut s’avérer nécessaire. Certains exemples de situation pouvant nécessiter un signalement à la DPJ incluent:

  • Consommation encouragée par les parents
  • Compromission du développement lié à la consommation de substances (ex: absentéisme scolaire important)
  • Autres enfants exposés à des substances psychoactives
  • Graves troubles de comportement liées à la consommation de substances

Lors d’un signalement à la DPJ, il est toujours préférable d’aviser le jeune et/ou sa famille qu’un signalement sera effectué.

Ressource informative destinée aux adolescents

Dépliant À VENIR.

Cette brochure contient un résumé de l’information au sujet de la naloxone destinée aux adolescents utilisateurs de substances illicites.

Quand référer à la médecine de l’adolescence

Le CHU Sainte-Justine possède une clinique spécialisée en toxicomanie des adolescents pour soutenir les jeunes de moins de 18 ans atteints de troubles liés à l’usage de substances sévères. L’offre de service étant limitée, seulement les demandes nécessitant une expertise en centre tertiaire pourront être acceptées. Avant toute demande, il est important de s’assurer que le patient est d’accord avec la demande et sera en mesure de se présenter en clinique (ex. qu’un parent ou un intervenant pourra soutenir la présence au rendez-vous si nécessaire).

Les situations suivantes pourraient motiver une consultation en médecine de l’adolescence:

  • Utilisation intentionnelle ou répétée d’opioïdes (codéine, fentanyl, morphine, oxycodone, hydromorphone, héroïne)
  • Utilisation de drogues injectables
  • Trouble lié à l’usage de benzodiazépine et ou trouble lié à l’usage d’alcool avec consommation d’alcool quotidienne (vu le risque significatif associé au sevrage de ces substances)
  • Notion de démêlés judiciaires, absentéisme scolaire significatif avec bris de fonctionnement ou décrochage scolaire directement en lien avec l’utilisation de substances
  • Comportements violents commis ou subis en état de consommation (violence physique, sexuelle, collective, auto-infligée)
  • Consultations à l’urgence répétées en état d’intoxication aiguë à l’alcool ou autre substance
  • Patient de moins de 12 ans qui consomme activement des substances

En fonction du jugement clinique du médecin, une consultation en médecine de l’adolescence pour une évaluation en toxicomanie peut également être justifiée pour d’autres raisons que celles figurant ci-haut.

Important: Au moment d’effectuer une référence en médecine de l’adolescence, il faut s’assurer que le patient est également référé au centre de réadaptation en dépendance de son secteur. Ceci permet au patient d’obtenir un soutien en communauté et une prise en charge immédiate puisque les délais d’attente pour la clinique de médecine de l’adolescence peuvent atteindre plusieurs mois selon la priorisation de la demande. Il ne faut pas hésiter à solliciter l’appui de l’équipe de travail social pour faciliter l’accès à ces services.

Liste de ressources communautaires disponibles

Voici une liste de ressources qui offrent différents services au sein de la communauté.

 

Guide complet en pdf avec toutes les références: Accès intrahospitalier à la naloxone intranasale_ Version finale 18 février 2025 FINAL

C Fournier (médecine adolescence), Daphnée Daoust (Dep médecine UdeM), P Bédard (pharmacie), N Chadi (médecine adolescence)

Réviseures: N Kleiber (Gouvernance des ANalgésiques CHUSJ), L Alix Seguin (urgence), EDT

En ligne Janvier 2025, ajout document complet Fev 2025